Rare chaise ponteuse a l'etrusque en acajou d'époque Louis XVI
Par Georges Jacob, Paris vers 1785
Chaise ponteuse à l’étrusque par Georges Jacob
Acajou massif. Non signée
Époque Louis XVI, Paris vers 1785
Garniture de gourgouran de soie vert
Hauteur : 94 cm, Largeur : 50 cm, Profondeur : 60,5 cm
Rare et belle chaise ponteuse, ou “voyeuse pour s’assoir à cheval” en acajou d’époque Louis XVI. L’assise parfaitement ronde repose sur deux pieds avant cannelés et des pieds arrière en sabre, tandis que le dossier ajouré à grille est surmonté d’une manchette d’accoudoir. Les montants arrière sont réunis par une balustre tournée.
Ce siège se signale par le dessin très innovant de son dossier ajouré, dont les motifs de croisillons en acajou imitent le sanglage dont étaient pourvus les sièges antiques. Il est encadré de deux montants verticaux en forme de Lituus, baton rituel des augures étrusques, se terminant par une crosse courbe. Ces motifs très particuliers, qui apparaissent dans le mobilier parisien à la fin des années 1780, sont qualifiés à l’époque de « forme nouvelle du genre étrusque ».
Inspirées par les découvertes des sites de Pompéi et d’Herculanum, notamment grâce aux publications effectuées par l’abbé de Saint-Non à la suite de son Grand Tour dans Description des royaumes de Naples et de Sicile publié à Paris en 1781, ces formes antiques sont transposées dans les sièges créés par Georges Jacob, sous l’impulsion d'artistes et d’ornemanistes comme Hubert Robert, Jacques Louis David ou Jean Démosthène Dugourc. L’exemple le plus fameux est sans conteste, le mobilier à l’étrusque livré pour la laiterie de la reine à Rambouillet en 1787, dont les dossiers présentent les mêmes motifs ajourés. Commandé par le comte d’Angivillier à Georges Jacob sur des dessins d’Hubert Robert, il est un des rares exemples de mobilier d’avant-garde livré jamais livré pour la Couronne, dont les goûts furent toujours très conservateurs.
Notre siège se distingue également par l’emploi de l’acajou, qui est une nouveauté qui apparait en France à la fin des années 1770, grâce à l’anglomanie dont se piquent les élites parisiennes. Comme l’organisation des corporations réservait l’emploi des bois exotique aux ébénistes, les premiers sièges en acajou sont curieusement réalisés non pas par des menuisiers en siège, dont c’est l’activité traditionnelle, mais par des ébénistes comme Pierre Garnier, Jean François Leleu, Jacques-Laurent Cosson, Louis Moreau ou Joseph Stockel.
Georges Jacob, qui dirige l’un des principaux ateliers de menuiserie de la capitale, pu s’affranchir, de cette organisation très stricte des corporations, sans doute grâce aux commandes qu’il reçoit du Garde Meuble de la Couronne ou du duc de Penthièvre, et fut le premier menuisier à la fin du règne de Louis XVI à réaliser des sièges d’acajou, qui se signalent à l’époque par l’emploi de l’acajou massif. La postérité et le succès de ces sièges d’acajou pendant tout le siècle suivant, fait parfois oublier qu’ils furent à la fin de l’Ancien Régime des raretés qui étaient l’apanage d’une petite élite avide de nouveauté.
Enfin ce siège se caractérise par son usage bien particulier : le jeu. Le XVIIIe siècle vit le développement de sièges spécifiques à chaque activité domestique et les “chaises en voyeuses“ témoignent de l’engouement de la société d’Ancien Régime pour le jeu, notamment les jeux d’argent. « Passion avide dont l’habitude est ruineuse » selon Buffon, et qui sera à son comble à la fin du XVIIIe siècle ou l’on joue gros. Ces voyeuses à califourchon ou ponteuses se plaçaient dans les salons de jeux (le terme ponter signifie miser), et permettaient aux joueurs masculins de soutenir de longues parties de lansquenet, de tric trac, d’échec, de quadrille ou de piquet, assis à califourchon, le buste appuyé sur le dossier ; ou à des membres de l’assemblée de suivre les parties qui se déroulaient aux tables, debout derrière un joueur en prenant appui sur l’accoudoir. Parce qu’il n’était pas admis que les femmes puissent se tenir à califourchon, un second type de chaises de jeu vit également le jour : les voyeuses à genoux, dont la forme ressemble aux prie-Dieu
Notre modèle, quoique non signé, peut être attribué avec certitude à Georges Jacob par comparaison avec d’autres rares exemplaires connus de ce modèle de chaise, dont une paire de chaises ponteuses en acajou estampillées G.IACOB, présentant un dossier identique, vendues à l’hôtel Drouot en 2016 (Ader, 16 décembre 2016, lot n°303). Les chaises vendues chez Ader, ne différaient de la nôtre, que par la forme de l’assise qui présentait une ceinture avant droite. Ici le dossier à lacets ajourés, très original, est associé à une assise parfaitement ronde, qui est une autre signature de Georges Jacob, dans la construction de ses chaises ponteuses, à l’image de la chaise ponteuse à dossier lyre de l’ancienne collection Perrin, reproduite dans le Kjellberg page 462, figure C.
Bibliographie : Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Éditions de l’Amateur, Paris 2002, pp 461- 472
A Louis XVI mahogany chaise ponteuse à l’étrusque by Georges Jacob
Solid mahogany, not signed
Louis XVI period, Paris by1785
Green silk gourgouran upholstery
Hauteur : 37,2 in. (96 cm), Largeur : 19,67 in. (39,5 cm), Profondeur : 23,82 in. 60,5 cm
The perfectly round seat rests on two fluted front legs and sabre-shaped back legs, while the openwork back is topped by an armrest. The rear uprights are joined by a baluster.
This chair is notable for the highly innovative design of its backrest, whose openwork mahogany latticework imitates the strapping used on antique chairs. It is framed by two vertical uprights in the shape of Lituus, which are the ritual sticks of Etruscan augurs, terminating in curved crosses. These highly distinctive motifs, who appeared in Parisian furniture in the mid-1780s, were described at the time as a ‘new form of the Etruscan style’ (formes nouvelles du genre étrusques).
Inspired by the discoveries made at Pompeii and Herculaneum, notably thanks to the publications made by the Abbé de Saint-Non following his Grand Tour in Description des royaumes de Naples et de Sicile, published in Paris in 1781, these antique forms were transposed into the Parisian decorative arts by Georges Jacob, the most famous parisian seat maker, under the impetus of painters and ornamentalists such as Hubert Robert, Jacques Louis David and Jean Démosthène Dugourc. The most famous example is undoubtedly the mahogany Etruscan-style furniture delivered for the Queen's dairy at Rambouillet in 1787, the backs of which feature the same openwork motifs. It was made by Georges Jacob after designs provided by Hubert Robert (1733-1808). It is one of the rare examples of avant-garde furniture ever delivered for the Crown, whose tastes were always very conservative.
Another distinctive feature of our chair is the use of mahogany, a novelty that appeared in France at the end of the 1760s, thanks to the Anglomania of the Parisian elite. As the organisation of guilds reserved the use of exotic woods for cabinet-makers, the first mahogany chairs were curiously not made by joiners, whose traditional activity was this, but by cabinet-makers such as Pierre Garnier, Jean François Leleu, Jacques-Laurent Cosson, Louis Moreau and Joseph Stockel.
Georges Jacob, who ran one of the capital's leading joinery workshops, was able to break free from this very strict organisation of guilds, no doubt thanks to the orders he received from the King and the Queen through the Garde Meuble de la Couronne or from the Duc de Penthièvre. He was the first joiner at the end of Louis XVI's reign to make mahogany chairs, which were notable at the time for their use of solid mahogany. The posterity and success of these mahogany chairs throughout the following century sometimes obscures the fact that, at the end of the Ancien Régime, they were the rarities of a small elite eager for novelty.
Finally, this chair is characterised by its very specific use: gambling. The 18th century saw the development of specific chairs for each domestic activity, and the ‘voyeuse chairs’ bear witness to the passion of Ancien Régime society for gambling. According to Buffon, this ‘ greedy passion, the habit of which is ruinous ’, was at its height at the end of the 18th century, when people gambled big. These ‘voyeuses à califourchon’ or ‘ponteuses’ were placed in gaming halls (the term ‘ponter’ means to bet), and enabled male players to sustain long games of lansquenet, tric trac, chess, quadrille or piquet, sitting astride with their chest resting on the backrest; or members of the assembly to follow the games taking place at the tables, standing behind a player and leaning on the armrest. Because it was not acceptable for women to sit astride a horse, a second type of gaming chair also came into being: the kneeling voyeuses, which resembled the prie-Dieu.
Our model, although unsigned, can be attributed with certainty to Georges Jacob by comparison with other rare known examples of this chair model, including a pair of mahogany chairs stamped G.IACOB, with an identical open latticework backrest, sold at the Hôtel Drouot in 2016 (Ader, 16 December 2016, lot no. 303). The chairs sold at Ader differed from ours only in the shape of the seat, which had a straight front side. Here, the highly original openwork back is combined with a perfectly round seat, which is another of Georges Jacob's signatures in the construction of his ponteuse chairs, like the lyre-back ponteuse chair from the former Perrin collection, reproduced in Kjellberg, page 462, figure C, or the ponteuse chair from the Remy collection, reproduced in Madeleine Jarry, Le siège Français, fig. 225