JOHANN HEINRICH VON DANNECKER (1758-1841)
Uranie. Pendule en terre cuite
Pendule figurant la muse Uranie, drapée à l’antique et accoudée à une borne, ornée sur chacun de ses côtés de caryatides à têtes d’égyptiennes coiffées du némès.
Une plaque, située sous le mouvement, est gravée d’un vers du poète Friedrich von Schiller (1759-1805).
Le mouvement de fabrication suisse, sonne les heures et les demis. Répétition des heures à la demande par cordon de tirage. Le cadran squelette, émaillé à chiffres arabes, comporte un index indiquant les quantièmes du mois. Échappement à ancre et suspension au fil de soie.
Terre cuite et bronze doré.
Stuttgart, Württemberg, circa 1790.
Haut. : 79 cm
Johann Heinrich von Dannecker sculpteur néoclassique allemand, parmi les plus importants des années 1800, est une figure emblématique de ce que la culture allemande appelle le classicisme romantique. L’art de Dannecker se développa dans le climat éclairé, mais insulaire de la cour de Württemberg, pour laquelle il travailla presque exclusivement pendant près de cinquante ans, bénéficiant de la protection des rois de Württemberg et contraint de refuser des commandes pour les cours de Saint Petersbourg, Dresden ou Munich.
Uranie, terre cuite, circa 1790
Notre pendule se rapproche stylistiquement des œuvres que Dannecker façonne dans les années 1790, à son retour de Rome, doublement influencé par son admiration pour Canova et l’étude des antiques.
La présence des deux têtes d’Égyptiennes, de chaque côté du mouvement, est caractéristique de la première égyptomanie en vogue à Rome partir de 1780 (Villa Albani, Villa Borghèse), inspirée par les antiques égyptiens, présents un peu partout dans la ville depuis la conquête romaine de l’Egypte.
Quant à la muse, elle s’apparente à « la jeune fille à l’oiseau mort » réalisée en 1790 (cat. 26 pp. 152 & 153). Même traitement du visage et de la chevelure, même expression de mélancolie, même grâce émanant de cette silhouette étirée. Il est intéressant de noter que la composition générale de ce groupe, reprend celle d’un bas-relief « La Méditation » (cat. 8 P ; 20), créé quelques années auparavant par son professeur Pierre-François Lejeune, pour le château de La Solitude, siège de la Karlsschule, ou Dannecker à été élève. Même placement des pieds, qui provoque ce léger déhanchement, même gestuelle des mains et des bras, dont l’un accoudé à une borne, vient soutenir la tête. Même semi nudité de la silhouette féminine, souligné par un ambitieux jeu de drapé. Dannecker, revisite une des œuvres de l’un de ses professeurs avec beaucoup plus de grâce et de naturel, y introduisant les leçons de son séjour romain. Le profil est grec, les yeux en amandes, la silhouette est fluide.
Le traitement de la chevelure est caractéristique de la manière du sculpteur dans les années 1780-1800. On la retrouve de façon assez continue sur les sculptures qu’il a exécutées à Rome et à son retour. Boucles bien détaillées, maintenues par un bandeau sur le devant et ramenées vers l’arrière en un chignon. Dannecker coiffe ses statues avec une singulière unité ; que ce soit le Bacchus-Automne de 1787, le groupe de Clio et Melpomène de 1789, la jeune fille à l’oiseau mort de 1790 ou la Sapho de 1802. Parfois, telle notre Uranie, cette coiffure s’anime de boucles qui tombent dans le cou, comme pour le buste de Schiller de 1793 ou son autoportrait de 1796. Ici le bandeau est enrichi d’étoiles en bronze doré, qui sont un des attributs de la Muse Uranie.
On connaît une autre caisse de pendule modelée par Dannecker, comparable à la nôtre, dont le sujet puise dans le répertoire mythologique et qui met en scène des figures féminines : Les Trois Parques. Deux exemplaires en terre cuite et un en plâtre, nous sont parvenus, datés des années 1793 et 1795.
Contrairement à notre pendule, ceux-ci n’ont pas reçu de mouvement et ne possèdent pas de décor de bronze doré.
D’une façon générale, les pendules en terre cuite sont une rareté, dont on peut citer bien peu d’exemple au XVIIIe siècle. La plupart de celles qui apparaissent sur le marché sont généralement des modello, restés à l’état de projet. L’exemple le plus fameux de pendule en terre cuite, qui, comme notre pendule, soit une œuvre aboutie est l’extraordinaire groupe de « la danse des trois nymphes » de Clodion, supportant un mouvement de Lepaute, acquise au printemps 2006 par la Frick Collection.
La présence d’un vers en allemand, vraisemblablement tiré d’un poème de Schiller, est également un élément remarquable de cette œuvre de Dannecker. et illustre les rapports étroits et d’admiration réciproque qui unissent le poète et le sculpteur; ainsi que les correspondances qui s’établissent dans l’oeuvre de ces deux précurseurs du romantisme allemand. De nombreuses œuvres de Dannecker, en dehors de ses commandes pour la cour de Württemberg sont inspirées par la littérature de Schiller à qui il vous une admiration sans faille. Ainsi la jeune fille à l’oiseau, mort, la complainte de Cérès, notre Uranie, sont inspirées à Dannecker par Schiller. En 1794 il modèle son portrait en buste lors du passage de celui-ci à Stuttgart. La version définitive qui ne sera achevée qu’en 1810, après la mort du poète, reste l’un des portraits exécuté par Dannecker, des plus marquants.
Der Zeit wird den Jungend
Macht und Glück
zum Raübe
doch biss zu Meines
Grabes Staube
bleibt meine
Freu und
Zartlichkeit
« Le temps me vole la jeunesse
La puissance et la chance
Mais jusqu’aux cendres de ma tombe
Demeurent mon amitié et ma tendresse »