Louis Francois Cassas (1756-1827). Vue du Theatre de Taormine en Sicile
Plume, encre noire, aquarelle et gouache sur trait gravé. Paris vers 1802
Louis-Francois Cassas (Azay le Feron 1756-Versailles 1827)
Jacques-Louis Bance (1761-1847)
Francesco Piranesi (1758-1810) et Pietro Piranesi (1773-1841)
Vue du théâtre de Taormine en Sicile
Plume, encre noire, aquarelle et gouache sur traits gravés. 55 x 79 cm
Montage d’origine en papier clair portant une légende manuscrite à l’encre brun dans la marge inférieure : « Proscoenium : Ou avant scene du Théatre de Taorminum en Sicile / Le Mont Etna occupe le fond du tableau ». 65 x 88 cm
Cadre en bois doré à gorge plate et rang de perles de style Louis XVI : 75 x 95 cm
Provenance : Baron Robert de Rothschild (1880-1946), hôtel de Marigny Paris, Baron Alain de Rothschild (1910-1982), puis par descendance.
Bibliographie : Voyages en Italie de Jean-François Cassas, Tours, Musée des Beaux-Arts, Silvana, Milano 2015
Le théâtre de Taormine, est représenté dans la lumière du matin. Il s’agit d’un site gréco-romain remarquable, très prisé des védutistes du Grand Tour qui parcourent la Sicile, car il offre de magnifiques et spectaculaires vues sur la mer en contrebas et sur l’Etna couronné de fumeroles. À l’état de ruines noyées dans une végétation abondante, dominé par la silhouette menaçante du volcan à l’arrière-plan, il illustre la fragilité des œuvres de l’homme face au temps qui passe et aux beautés de la nature.
Cassas dessine cette ruine dans l’état dans laquelle elle se présente en cette seconde moitié du XVIIIe siècle. Pour répondre au goût des amateurs, il soigne ses éclairages, combine exactitude topographique et savoir archéologique et compose un panorama, qui décrit très précisément l’architecture et les lieux. Excellent dessinateur de la nature il anime ses paysages des silhouettes insouciantes de dessinateurs, de voyageurs du Grand Tour, et de pâtres siciliens, qui donnent l’échelle, renforcent la monumentalité du site représenté et ajoutent une note de pittoresque à ses compositions. Amateurs et collectionneurs sont séduits, hier comme aujourd’hui, par le charme de ces sites remarquables, qui n’avaient jamais encore été reproduits avec un tel degré de perfection.
Dessinateur du Siècle des Lumières et voyageur infatigable, Louis François Cassas a consacré une grande partie de son œuvre à la représentation de vestiges antiques d’une monumentalité héroïque. Considéré comme l’un des dessinateurs-voyageurs les plus prolifiques de son époque, ses vues urbaines et ses paysages ont suscité un immense intérêt en raison de l’étendue inhabituelle et spectaculaire de son champ d’inspiration ; ses voyages l’ayant amené à parcourir l’Europe, du Nord au Sud, mais également l’Empire Ottoman, de Constantinople jusqu’en Palestine et en Égypte. Les vues prises en Sicile ont été composées à partir des nombreux dessins qu’il effectue lors d’une excursion sur l’île qui débute à l’automne 1782.
Louis François Cassas naît en 1756 au château d’Azay-le-Ferron, où son père est ingénieur-architecte au service du marquis de Gallifet. En 1774, il est remarqué par le dessinateur Thomas Aignan Desfriche à Tours et entre l’année suivante dans une école parisienne de dessin fondée par le duc de Chabot. Protégé par des mécènes, il voyage à travers le monde, séjournant deux fois en Italie grâce au duc de Chabot et se rendant ensuite en Orient avec le comte de Choiseul Gouffier.
Le duc de Chabot l’emmène à sa suite, en 1778, lors du voyage d’Italie qu’il effectue avec sa famille. En 1780, grâce au soutien de Jean-Marie Vien, directeur de l’Académie de France à Rome, Cassas obtient le privilège exceptionnel pour un dessinateur d’avoir une chambre d’externe au palais Mancini. À l’automne 1782, il rejoint la Sicile à l’invitation de Vivant Denon, qui lui demande de participer à l’illustration d’un ouvrage de l’abbé de Saint-Non (1727-1791). Arrivé par Messine, son périple le conduit à Taormine, sujet de notre feuille. Il découvre l’Etna, puis poursuit son exploration par Catane, Syracuse, le val de Noto, puis Agrigente. Il rejoint ensuite Palerme, puis s’embarque à Catane pour Naples, alors que la Sicile subit de graves tremblements de terre depuis février 1783. Pendant ce séjour de quelques mois Cassas ne cesse de dessiner et l’inventaire de ses dessins effectué à Paris en 1784 mentionne 75 feuilles décrivant son voyage dans toute la Sicile, qui serviront à la composition des planches éditées à partir de 1802 par les frères Piranesi.
A Paris il fait la connaissance du comte de Choiseul Gouffier qu’il accompagne dans un voyage en Orient : Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Phénicie, Palestine et Basse-égypte. Il est de retour à Rome, en 1787, avec un portefeuille considérable qui connaît un franc succès : "Tout le monde se porte en foule chez moi pour voir mes dessins", écrit-il.
De retour à Paris en 1791, il connait des difficultés financières à cause de la Révolution, et travaille à des projets d’édition dont il espère tirer des revenus avec le soutien de Jacques Anisson du Perron et Jacques-Louis David. C’est à partir de 1801, qu’il entreprend avec les frères Piranesi l'édition de ces grandes vues topographiques, qu’il compose à partir des dessins réalisés en Italie et au Levant.
Les frères Piranesi héritiers depuis 1778, du fonds de commerce d’édition d’estampes de leur père Giambatista Piranesi, se sont réfugiés à Paris en 1799 à la chute de l’éphémère république romaine dans laquelle ils s’étaient engagés. Avec le soutien du gouvernement français et notamment la protection de Joseph Bonaparte ils ouvrent la Chalcographie des Frères Piranèse, 296 rue de l’Université, dont l’activité sera florissante pendant une dizaine d’années. Ils publient les œuvres de leur père, dont ils ont conservé les cuivres et ces fameuses planches de grands formats, décrites à l’époque comme des « dessins coloriés », représentant Rome, Paris, la Sicile ou l’empire Ottoman, pour lesquelles ils s’associent avec de grands artistes comme Cassas, Desprez, les frères Sablet ou Louis Gabriel Moreau. Les dessins confiés par ces artistes aux frères Piranesi, sont gravés au trait par Jacques Louis Bance, puis les tirages sont repris à la plume, et sont aquarellés et gouachés par de très habiles coloristes en cherchant délibérément à imiter le dessin ou la peinture.
Ce type d’estampes au trait ou d’eau forte de contours enluminées avait connus un très grand succès, bien avant les frères Piranèse, dans la Rome des années 1780, grâce à deux artistes : le graveur vénitien Giovanni Volpato (1735-1803) et le paysagiste suisse Abraham Louis Rodolphe Ducros (1748-1810), qui éditaient de nombreuses vedute enluminées. Cette technique de l’eau forte de contour permettait de dépasser le coté rigide et linéaire de la pointe sèche pour une ligne plus fluide et intuitive capable d’imiter la plume, qui était ensuite mise en couleur. D’une certaine façon les frères Piranèse ont mis en place à Paris, un atelier conçu sur le modèle de celui de Volpato et Ducros, dont ils avaient pu observer le fonctionnement et le succès à Rome.
Louis-Francois Cassas (Azay le Feron 1756-Versailles 1827)
Jacques-Louis Bance (1761-1847)
Francesco Piranesi (1758-1810) et Pietro Piranesi (1773-1841)
View of the theatre of Taormina in Sicilly
Pen and black ink, watercolour and gouache on etched outlines. 55 x 79 cm,by 1802.
Original paper mount inscribed with brown ink in the lower margin: « Proscoenium : Ou avant scene du Théatre de Taorminum en Sicile / Le Mont Etna occupe le fond du tableau ». 65 x 88 cm (Proscoenium: Or front stage of the Theatre of Taormina in Sicily / Mount Etna occupies the background of the painting)
Louis XVI style giltwood frame : 75 x 95 cm
Provenance : Collection Robert de Rothschild (1880-1946), hôtel de Marigny Paris, Baron Alain de Rothschild (1910-1982), then by descent.
Bibliography : Voyages en Italie de Jean-François Cassas, Tours, Musée des Beaux-Arts, Silvana, Milano 2015
The theatre of Taormina is depicted in the morning light. It is a remarkable Greco-Roman site, highly prized by vedutists of the Grand Tour who travelled through Sicily, as it offers magnificent and spectacular views of the sea below and Mount Etna crowned with smoke plumes. In a state of ruins engulfed by abundant vegetation, dominated by the menacing silhouette of the volcano in the background, it illustrates the fragility of human works against the passage of time and the beauties of nature.
Cassas draws this ruin as it appeared in the second half of the 18th century. To cater to the tastes of amateurs, he meticulously manages the lighting, combines topographical accuracy with archaeological knowledge, and composes a panorama that very precisely describes the architecture and the site. As an excellent nature illustrator, he animates his landscapes with carefree silhouettes of artists, Grand Tour travelers, and Sicilian shepherds, who provide scale, enhance the monumentality of the depicted site, and add a picturesque note to his compositions. Collectors and amateurs are captivated, as they were in the past and still are today, by the charm of these remarkable sites, which had never been reproduced with such a degree of perfection.
An Enlightenment-era draftsman and tireless traveller, Louis François Cassas devoted a large part of his work to the representation of heroic monumental antiquities. Considered one of the most prolific travel illustrators of his time, his urban views and landscapes garnered immense interest due to the unusual and spectacular scope of his inspiration; his travels took him across Europe, from north to south, but also to the Ottoman Empire, from Constantinople to Palestine and Egypt. The views taken in Sicily were composed from the numerous drawings he made during an excursion to the island that began in the autumn of 1782.
Louis François Cassas was born in 1756 at the Château d'Azay-le-Ferron, where his father was an engineer-architect in the service of the Marquis de Gallifet. In 1774, he was noticed by the draftsman Thomas Aignan Desfriche in Tours and joined the following year a Parisian drawing school founded by the Duke of Chabot. Supported by patrons, he travelled the world, twice in Italy thanks to the Duke of Chabot and then going to the East with the Count of Choiseul Gouffier.
The Duke of Chabot took him along in 1778 during a family trip to Italy. In 1780, with the support of Jean-Marie Vien, director of the French Academy in Rome, Cassas obtained the exceptional privilege for a draftsman of having an external room at the Palazzo Mancini. In the autumn of 1782, he joined Sicily at the invitation of Vivant Denon, who asked him to contribute to the illustration of a book by the Abbé de Saint-Non (1727-1791). Arriving via Messina, his journey led him to Taormina, the subject of our sheet. He discovered Mount Etna, then continued his exploration through Catania, Syracuse, the Val di Noto, and Agrigento. He then went to Palermo and embarked from Catania to Naples while Sicily was experiencing severe earthquakes since February 1783. During this few-month stay, Cassas continued to draw, and the inventory of his drawings made in Paris in 1784 mentions 75 sheets describing his journey throughout Sicily, which would be used to compose the drawings published from 1802 by the Piranesi brothers.
In Paris, he met the Count of Choiseul Gouffier, whom he accompanied on a trip to the East: Turkey, Cyprus, Syria, Lebanon, Phoenicia, Palestine, and Lower Egypt. He returned to Rome in 1787 with a considerable portfolio that enjoyed great success: "Everyone flocks to my place to see my drawings," he wrote.
Returning to Paris in 1791, he faced financial difficulties due to the Revolution and worked on publishing projects from which he hoped to derive incomes, with the support of Jacques Anisson du Perron and Jacques-Louis David. From 1801, he began collaborating with the Piranesi brothers to publish these large topographical views, which he composed from drawings made in Italy and the Levant.
The Piranesi brothers, inheritors since 1778 of their father Giambatista Piranesi's print publishing business, took refuge in Paris in 1799 after the fall of the short-lived Roman Republic in which they had been involved. With the support of the French government, particularly the protection of Joseph Bonaparte, they opened the Chalcography of the Piranesi Brothers, 296 rue de l'Université, whose activity flourished for about ten years. They published the works of their father, whose copper plates they had retained, and these famous large-format plates, described at the time as "colored drawings," depicting Rome, Paris, Sicily, or the Ottoman Empire, for which they partnered with great artists like Cassas, Desprez, the Sablet brothers, or Louis Gabriel Moreau. The drawings entrusted by these artists to the Piranesi brothers were line-engraved by Jacques Louis Bance, then the prints were retouched with pen and ink, and watercolour and gouache were added by highly skilled colorists deliberately imitating the drawing or painting.
This type of line or contour etching, illuminated with colour, had already enjoyed great success long before the Piranesi brothers in the 1780s Rome, thanks to two artists: the Venetian engraver Giovanni Volpato (1735-1803) and the Swiss landscape painter Abraham Louis Rodolphe Ducros (1748-1810), who published numerous illuminated vedute. This contour etching technique allowed for a more fluid and intuitive line than drypoint, capable of imitating pen drawings, which were then colored. In a way, the Piranesi brothers established in Paris a workshop modeled on that of Volpato and Ducros, whose functioning and success they had observed in Rome.